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IL ETAIT UNE FOIS 1720

Publié par Festival Historique

L’équipage du Grand Saint Antoine
Il appartient à Jean-Baptiste Chataud de « faire l’équipage du vaisseau ». Le navire ne vaut que par la force d’âme de l’équipage.
L’enrôlement du marin passe par le rituel: questionner et choisir : carrière antérieure, nom du capitaine sous les ordres duquel il a servi, confidences sur sa vie de famille.
Ils acceptent l’autorité d’un homme « seul maître à bord après Dieu ». Le capitaine a tous les droits. Il peut débarquer les matelots qui ne remplissent pas leur rôle ; il peut les punir si ces derniers commettent des fautes et les châtiments corporels ne sont pas du domaine de la littérature épique.
Au retour du voyage, si retour, il est mis fin à leur contrat.
« Faire l’équipage », c’est également s’entourer d’hommes de métier, pilote, chirurgien et contremaître qu’il faut rémunérer selon leur compétence et réputation. La négociation du montant des salaires est du ressort de Jean-Baptiste Chataud, avec l’accord des armateurs.
Chaque membre de l’équipage reçoit une avance sur salaire. Certains dépensent peut-être rapidement ce pécule sur place, dans les cabarets et les tavernes ; d’autres l’investiront probablement dans l’achat de pacotilles, des marchandises qu’ils vendront pour leur propre compte, un commerce toléré.
Il faut bien pourvoir, durant tout le temps du voyage, aux dépenses de ceux qui restent à terre.
Le rôle ou liste de l’équipage est délivré le 10 juillet 1719 à Marseille.
CAPITAINE EN SECOND: CHATAUD Jacques
47 ans, de Marseille, au salaire mensuel de 30 livres, sait écrire. C’est le frère aîné de Jean-Baptiste Chataud.
ÉCRIVAIN DE BORD: CHATAUD Jacques (2)
24 ans, de Marseille, au salaire mensuel de 25 livres, sait écrire.
C’est le cousin germain de Jean-Baptiste Chataud.
Sa fonction est essentielle, voire fondamentale, pour le suivi administratif du navire. Il écrit au quotidien dans un épais registre ou quelques cahiers. Il inscrit et note minutieusement tout ce qui peut et doit servir de justification à l’administration de l’amirauté.
Il liste les « agrès et apparaux, armes et munitions et victuailles du vaisseau, les marchandises qui sont chargées et déchargées ».
Il enregistre le nom des passagers, le rôle de l’équipage avec les salaires, le nom de ceux qui désertent ou qui décèdent pendant le voyage.
Il consigne les achats et les dépenses qui sont effectués pour le navire depuis le départ. Il veille à la distribution et conservation des vivres. Tout est mentionné dans le « dépensier ».
Il prend garde à noter toutes les délibérations prises et il peut être amené à recevoir les testaments de ceux qui décèdent pendant le voyage, faisant l’inventaire des biens laissés sous le regard du capitaine.
Le registre de Jacques Chataud fait foi en justice. Il ne doit y inscrire que la vérité des faits, « sous peine de vie ». Le voyage terminé, il remet au greffe de l’amirauté le journal de bord en annexant toutes les minutes des inventaires, les informations et testaments reçus. La situation de l’écrivain de bord est généralement embarrassante car il doit obéir au capitaine du navire et se plier également aux exigences de l’amirauté.
LIEUTENANT - PASCAL Joseph
26 ans, d’Auriol, domicilié à La Ciotat, sait écrire.
Officier marinier appartenant aux adjoints immédiats du capitaine, le lieutenant assiste Jean-Baptiste Chataud. Il s’agit d’un renfort utilisé dans certaines circonstances, lorsque le besoin se fait sentir.
PILOTE: ROUX Pierre
40 ans, de Cassis, sait écrire.
Nul ne peut être pilote s’il n’a pas effectué plusieurs voyages en mer.
Il faut bien connaître la navigation et avoir, par conséquent, suivi les cours d’hydrographie.
Le pilote sait consulter les « routiers » et les cartes couvertes de rhumbs.
Il a qualité pour lire le compas de route et manier les lignes de loch et les « horloges diverses » ainsi que tous les instruments nécessaires à son art.
Il peut, si le capitaine le lui demande, faire fonction d’écrivain, le remplacer dans ses tâches.
Sa responsabilité est grande parce qu’il doit mener le navire à bon port, d’aller comme de retour. C’est lui qui décide, après le capitaine, de la route de navigation et il a toute liberté pour refuser, quelles que soient les circonstances, l’injonction du capitaine lui demandant de passer en des lieux qu’il jugerait dangereux.
NOCHER: GIBERTON Jean-Baptiste
28 ans, de Toulon, ne sait pas écrire.
C’est le bosco, le contremaître. Il a soin, avant de faire voile, de gréer le navire (cordages, poulies, voiles ).
À chaque départ, il surveille la manœuvre d’appareillage. Si le navire est à quai, celle-ci ne présente pas de difficulté majeure. Par contre, si le navire est à l’ancre dans un abri, quitter le mouillage est souvent une suite d’opérations délicates, complexes et quelquefois dangereuses.
Pendant la durée du voyage, il doit examiner quotidiennement, consciencieusement, l’état des cordages du gréement et signaler au capitaine les torons usés et les filins qui se décordent et se mettent en étoupe.
Il reçoit les ordres de manœuvre du capitaine ou de son second, ordres qu’il exécute ou fait exécuter de jour comme de nuit.
À l’arrivée, il suit avec attention les opérations d’accostage : préparer les « câbles » (cordages) et les ancres, amarrer le vaisseau. Puis les voiles sont affalées, brassées au carré et ferlées, les mâts des hunes descendus et les vergues dressées.
Homme clé, il est organisé, possède une forte personnalité et règle par la voix (plus tard par le sifflet) et le geste les directives du capitaine. On ne lui demande pas d’être très instruit ; on ne lui demande pas de savoir lire et écrire ; seuls comptent l’efficacité pour se faire obéir, une bonne expérience et un grand savoir-faire.
MATELOTS - Combien sont-ils: 24 matelots
Quel est le niveau de leur qualification ? Les appointements ou « loyers » des matelots sont fonction de leur qualification.
Les gens de mer accomplissent les mêmes tâches au sein d’un armement perçoivent des rétributions inégales. Les salaires des matelots du Grand Saint-Antoine varient de seize livres dix sols à vingt-deux livres.
Le métier de matelot consiste en charger les vivres, équiper le navire et faire voile.
Il ne peut quitter le navire sans congé écrit sous peine de châtiments corporels. Il ne peut prendre du pain ou autre nourriture ou tirer aucun breuvage sans la permission du capitaine à peine de perte d’un mois de salaire.
S’il dort étant de garde ou faisant le quart, il est mis aux fers.
S’il abandonne son capitaine et la défense du navire dans le combat, il est puni corporellement.
S’il frappe le capitaine, il est alors puni de mort.
Cinq des matelots sont « mariniers à salaire ». Ils se distinguent par leur qualification, faisant fonction de timonier, de canonnier et, sans doute, de charpentier, gabier et calfateur...
GRAILLE César, 21 ans, de La Ciotat, ne sait pas écrire.
PELISSIER Eustache, 21 ans, de La Ciotat, sait écrire. AUDIBERT Louis, 33 ans, de la Seyne.
Les fonctions de certains sont plus précises:
TIMONIER: RAMEAU Gabriel, 32 ans, de Cassis.
Le timonier est un homme de pont. Il est chargé de la « veille », c’est-à-dire la surveillance de la mer ; il est responsable des « transmissions », c’est-à-dire les signaux effectués avec les pavillons ou les annonces par coups de canon ; il procède aux opérations de sondage qui donnent la profondeur et la nature du fond; on lui confie les relations entre l’état-major et les matelots.
CANONNIER: THIBAUD Claude.
Les navires marchands doivent être en mesure de se défendre s’ils sont attaqués et de répondre par les armes aux provocations des corsaires et Barbaresques. Les bâtiments sont armés, surtout en temps de guerre, à proportion de leur tonnage.
Le Grand Saint-Antoine est armé de canons et de pierriers.
MOUSSES: LAUGIER Thomas et SAXE Jean-Augustin, au salaire mensuel de dix livres dix sols.
Le nombre de mousses embarqués est proportionnel au tonnage réel du navire.
Les arrêts successifs de la Cour enjoignent aux capitaines et patrons de recruter les mousses parmi les enfants de la ville.
On y trouve des enfants de familles de marins, des enfants enfermés derrière les murs de l’hôpital des « Enfants abandonnés » ; des enfants soustraits à la rue qui découvrent les contraintes d’une discipline exigée et imposée par la confrérie de la Miséricorde. Le mousse est astreint à tous les services de bord.
Le chirurgien et l’aumônier.
Leurs fonctions sont d’importance puisqu’ils soignent et guérissent, quelquefois, les plaies du corps et apaisent les meurtrissures de l’âme.
CHIRURGIEN: SASTE de SALLE Joseph, chirurgien navigant, au salaire mensuel de 30 livres.
La chirurgie se confondait avec les « états ou métiers de la barberie ». Pour avoir qualité de chirurgien navigant, il faut réussir un examen qui se borne à des « questions et difficultés » proposées par les maîtres-chirurgiens examinateurs.
Le chirurgien recruté apporte tous les instruments de sa profession, alors que les propriétaires du navire fournissent le coffre garni de drogues, d’onguents, de médicaments et de pansements. Pendant la durée du voyage il ne doit rien exiger ni recevoir des marins malades ou blessés.
Point important, l’article VII de l’ordonnance précise : « Enjoignons aux chirurgiens de navires, en cas qu’ils découvrent quelques maladies contagieuses, d’en avertir promptement le Maître (capitaine), afin d’y pourvoir suivant l’exigence du cas. »
Joseph Saste de Salle est un chirurgien navigant qualifié, son salaire, trente livres, est équivalent à celui de Jacques Chataud, capitaine en second.
L'AUMONIER. Le roi a ordonné en 1694 que les vaisseaux faisant voyage de long cours au Levant et au-delà du détroit de Gibraltar, ayant un équipage de plus de vingt-cinq hommes, embarquent un aumônier, un prêtre ou un religieux.
L’aumônier peut être un prêtre approuvé par son évêque diocésain ou un religieux autorisé par son Supérieur. Qu’il soit prêtre ou religieux, il sert à bord du navire comme aumônier. Privilèges pour ce dernier et dépenses pour les armateurs, l’aumônier perçoit un salaire mensuel de trente livres, il s’assoit à la table du capitaine, on lui porte honneur et déférence. Le roi veut que l’équipage ne soit pas privé des secours spirituels pendant toute la durée du voyage. Matin et soir, tous les jours, l’aumônier est tenu de réciter la prière publique devant tous les marins rassemblés sur le pont, ou du moins ceux qui ne sont pas occupés par les tâches obligatoires de navigation. Les dimanches et jours de fête religieuse il célèbre la messe. Enfin, il administre les sacrements aux mourants.
Or, l’ecclésiastique embarqué sur le Grand Saint-Antoine n’est pas recruté spécialement pour ce voyage. Il n’appartient pas officiellement à l’équipage. C’est un passager qui doit se rendre dans la ville de Jérusalem. Jean-Baptiste Chataud a peut-être échangé un billet d’aller contre les services d’un aumônier dont la présence à bord des navires est obligatoire mais difficile à respecter, étant donné également le manque d’ecclésiastiques pour servir les bâtiments de mer allant au commerce. Une économie faite en vertu du bon droit !
MAITRE D’HÔTEL: DOL Louis.
Il doit s’assurer de la bonne qualité des provisions et aucun laisser- aller n’est permis.
SUBRÉGARGUE: LAUGIER Honoré, 50 ans, de Toulon, domicilié à Marseille, sait écrire.
Il représente les propriétaires. Il apporte son expérience dans le domaine du négoce.
C’est un « commercial ». Il est embarqué à bord du vaisseau par volonté des armateurs. Ce n’est pas un marin. Il n’appartient pas à l’équipage.
Ainsi, trente-huit hommes recensés forment l’équipage et nous connaissons l’identité de la plupart. Un chiffre qui est le reflet des rôles des navires provençaux de l’époque. Il faut compter en général onze hommes pour cent tonneaux.
Outre les animaux sur pied emportés pour servir de nourriture, le Grand Saint-Antoine abrite sans doute des chats dans ses cales. Les capitaines et les patrons sont en effet tenus responsables de tous les dommages qui arrivent à la marchandise, particulièrement si celle-ci est rongée par les rats. Ces derniers sont une menace permanente pour les tuyaux de cuir et les cordages du navire. Précaution, on prend des chats à bord des navires et s’ils meurent pendant le voyage on les remplace au plus vite, au premier endroit touché. D’abord tolérée et souhaitée avant d’être reconnue comme indispensable, la présence des chats est recommandée par les assureurs. Les autorisations de naviguer sont souvent rédigées de la sorte : « Le navire est en état de naviguer ; il y a deux chats à bord. »
 
Extrait du livre: Un homme, un navire - La peste de 1720, Michel GOURY
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