14 - GRAND SAINT ANTOINE - LE DERNIER VOYAGE – LE RETOUR - TRIPOLI
Février 1720 – La tempête
De Seyde à Tripoli de Syrie, quelques jours doivent suffire au Grand Saint-Antoine pour s’y rendre, à condition que la mer soit complice d’un voyage tranquille. Les conditions de traversée sont toutes autres. L’homme de barre, les jambes plantées dans le pont du navire, fixe la voilure, puis le compas et de nouveau la voilure. Il fait l’impossible pour maintenir un cap face à des vents se déchaînant et des vagues longues et creusées. La mer s’incruste partout, elle fouette les visages et les corps des marins qui ramassent les perroquets et la « pouillasserie ».
Le Grand Saint-Antoine ne tient plus ses voiles hautes. Le vent a forci en tempête. Fuir devant le temps, se dérober au vent, éviter la lame et, n’ayant plus d’autre alternative, songer à couper les mâts et à trancher les haubans et les manœuvres. Jean-Baptiste Chataud doit sauver un vaisseau qui souffre, il lui faut tenir la route pour préserver la riche cargaison. Alors, l’expérience du capitaine et une mer lassée de ses colères brusques donnent au vaisseau sans mâture maîtresse le temps nécessaire pour se présenter dans le port de Tripoli de Syrie.
Le capitaine Simon note qu’il a rencontré le 20 février 1720 à Tripoli de Syrie le Grand Saint-Antoine qui « aurait cassé tous ses mâts ».
Il faut remettre le vaisseau en état. Louis Audibert, marinier à salaire, déclare « qu’ils achetèrent quelques cordages et une méchante voile à Tripoli provenant d’un vaisseau anglais... ». Ainsi réparé, le Grand Saint-Antoine est prêt à poursuivre son voyage. Cependant, il s’attarde à Tripoli, pour compléter son chargement, il ouvre ses cales pour recevoir quelques balles de soie et des toileries d’indiennes. L’achat de ces marchandises ne mérite certainement pas que l’on s’attarde en ce port.
Embarquement de 15 passagers - Cette escale a pour opportunité d’embarquer quinze passagers, neuf pour le royaume de France et six pour l’île de Chypre. Le capitaine Chataud reçoit du vice-consul un billet signé qui est une invite réglementaire à l’obéissance : la « permission » d’embarquer pour la France quatre passagers français, deux arméniens et trois religieux étrangers. Tous, à l’exception de trois « disgraciés », paieront leur voyage. Par contre, les cinq Turcs et le Grec qui doivent être débarqués à Chypre ne figurent pas sur le document. En effet, les passagers restant dans leur pays en sont dispensés, ce n’est pas une obligation des capitaines marchands.
Le 25 mars 1720, le vice-consul Monkenoulte et le chancelier Roustan complètent la patente de santé de Jean-Baptiste Chataud délivrée à Seyde. Il n’y a aucun soupçon de peste à Tripoli de Syrie et l’équipage est toujours en bonne santé.
Le Grand Saint-Antoine peut s’éloigner de Tripoli de Syrie. Le 3 avril 1720, il fait voile vers Chypre.
Extraits: Un homme, un navire, la peste de 1720 - Michel GOURY